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« Nous pouvons baisser le tarif de l’électricité »

Philippe Page Le Mérour Secrétaire du Cesc d’EDF SA

Forcée de vendre son électricité à prix cassé à ses concurrents, EDF accumule les pertes. Une situation alarmante pour les élus du personnel qui mettent sur la table deux mesures d’urgence pour faire baisser les tarifs et préserver l’entreprise publique. Philippe Page Le Mérour, secrétaire du comité économique et social central d’EDF, nous les détaille.

La recomposition de l’Assemblée nationale vous paraît-elle de bon augure pour l’avenir d’EDF et du service public de l’énergie ?

La Macronie n’a plus de majorité absolue. C’est en soi une bonne nouvelle puisque le projet de démantèlement de l’entreprise, qu’Emmanuel Macron n’a jamais perdu de vue, sera sans doute plus compliqué à faire passer. Pour autant, nous restons extrêmement attentifs. Une majorité pourrait se dégager avec d’autres groupes parlementaires qui voudraient livrer le service public aux intérêts privés. Nous mesurons, évidemment, que ceux qui ont porté et défendu les valeurs du service public pendant cinq ans dans le camp du progrès se trouvent renforcés. Certes, la donne a changé, mais elle ne lève pas notre vigilance.

Une vigilance qui vous a poussés à lancer un droit d’alerte économique. Les conclusions de l’expertise viennent d’être rendues publiques, qu’affirment-elles ?

En janvier dernier, nous avons lancé un droit d’alerte, les représentants du personnel ayant considéré la situation de l’entreprise préoccupante. Nous avons fait le choix d’une expertise, confiée au cabinet Secafi, et dont les conclusions confirment le déséquilibre économique et financier d’EDF. Pour la première fois, l’entreprise a dépassé la barre des 50 milliards d’euros de dette et les experts l’estiment à 60 milliards à la fin de l’année. Un tel état de finance empêche l’entreprise d’investir, dégrade l’appréciation des agences de notation et donne aussi du grain à moudre à ceux qui ambitionnent de découper le groupe pour en vendre les morceaux les plus juteux au privé. Cette dette a été aggravée de façon phénoménale, consciemment et en quelques mois, par le gouvernement et son bras armé, la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Face à cela, vous mettez sur la table des pistes concrètes pour sortir de l’ornière…

C’est même tout le mérite du travail mené en commun par les syndicats d’EDF (CGT, CFE-CGC, CFDT, FO) et le cabinet Secafi durant près de quatre mois. Nous avons construit une nouvelle méthode de calcul du tarif de l’électricité. Nous demandons au gouvernement de la mettre en œuvre en urgence pour remplacer le nouveau déplafonnement de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique – NDLR) à 130 TWh, décrété au 1er juin par la CRE et qui donne injonction à EDF de brader encore plus d’électricité à ses concurrents. Nous opposons à cela deux mesures simples. D’abord, la suspension de l’Arenh est permise par le Code de l’énergie « en cas de circonstances exceptionnelles ». La tension sur le marché depuis l’automne dernier, la guerre en Ukraine qui tend de façon inconsidérée le marché du gaz et l’arrêt de la moitié des réacteurs nucléaires français pour maintenance, à la suite de problèmes de corrosion sous contrainte, sont des circonstances exceptionnelles. Ensuite, nous proposons de calculer le tarif de base de l’électricité en partant du mix de production national, c’est-à-dire en l’indexant sur le nucléaire et l’hydraulique, à 60 euros/MWh. L’association de ces deux mesures permet, immédiatement, de diviser par 2,5 l’augmentation tarifaire fixée par la CRE.

À cela près qu’il faut déroger aux règles européennes du marché intérieur de l’énergie…

Oui. Mais l’Espagne et le Portugal sont dans ce cas-là depuis un mois. Ils ont eu l’autorisation de baser le calcul de leurs tarifs sur leur mix de production, tiré essentiellement par les renouvelables et le gaz.

Le gouvernement évoque à nouveau l’éventualité d’une renationalisation d’EDF. Est-ce une bonne solution ?

Le mot peut paraître positif, mais nous ne sommes pas naïfs. En 2016, le président Macron, alors ministre de l’Industrie, avait déjà cette option en tête… pour vendre à la découpe immédiatement après. Cette stratégie a débouché sur le projet Hercule que nous avons combattu et réussi à mettre, sinon à la poubelle, du moins au congélateur. Nous portons le projet d’une renationalisation totale et définitive de l’entreprise dans toutes ses composantes. C’est la condition pour avoir un service public qui soit le principal levier de la transition énergétique. Ce que propose le gouvernement est une renationalisation mécanique, qui ne lui coûterait pas grand-chose étant donné le prix de l’action et qui lui permettrait d’avoir les mains libres, en tant qu’actionnaire unique, pour remettre sur la table la privatisation des activités rentables. Cette stratégie, en sus, ne règle pas la question du grave déséquilibre financier d’EDF, créé à dessein.

Les agents d’EDF sont également mobilisés sur la question des salaires. Cette conjonction de deux luttes dit-elle quelque chose de l’état du corps social dans l’entreprise ?

Les salariés sont mobilisés à la fois pour défendre l’intérêt général et pour leur pouvoir d’achat. Ils sont dans cette situation très spécifique où le mécanisme de l’Arenh – et a fortiori son déplafonnement – revient à considérer qu’une majorité des salariés du service public travaillent pour les intérêts de la concurrence privée, comme TotalEnergies qui brasse des milliards, afin de produire un mégawatt/heure à 42 ou 46 euros contre 350 en ce moment sur le marché. L’ensemble des syndicats contestent la politique de la direction qui refuse d’augmenter les salaires et celle du gouvernement qui oblige les salariés de l’entreprise publique à travailler pour ses concurrents privés. Ce qui, du reste, n’existe dans aucun autre système au monde. À l’exception notable de la mafia.

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