Entre septembre 2019 et 2020, l’Australie a brûlé sans interruption pendant deux cent quarante jours. Des images impressionnantes de méga-incendies incontrôlables, qui ont causé la mort de 33 personnes et détruit plus de 2 000 maisons, défilaient sur les téléviseurs. Et l’on s’indignait de ce spectacle d’arbres engloutis par des flammes hors de contrôle et du sort des koalas, tous victimes des bouleversements violents engendrés par le réchauffement climatique lié à l’homme. Entre septembre 2019 et début 2020, 24 millions d’hectares sont partis en fumée. Mais, rapidement, la grande île australe s’est à nouveau parée de vert. Une renaissance visible depuis l’espace. C’est en utilisant entre autres des images captées par le satellite européen Smos que des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de différentes universités internationales ont découvert que la forêt avait récupéré et qu’elle avait réabsorbé le carbone émis pendant les gigantesques feux. Explications.
Quand un arbre brûle, il libère beaucoup de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Quand il pousse, il capte le CO2 atmosphérique qui entre dans ses feuilles par les stomates. Puis le carbone et l’oxygène du CO2 sont séparés : le carbone va servir à fabriquer de la matière organique et l’oxygène (O) ressort de la feuille sous forme de vapeur d’eau (H2O). C’est pourquoi on considère que les forêts sont des puits de carbone. Au cours des gigantesques feux de 2019-2020, quelque 200 millions de tonnes de carbone ont été rejetées dans l’atmosphère, ont estimé les chercheurs. Mais ce sont finalement 260 millions de tonnes de carbone qui ont été stockées fin 2020. Autrement dit, de façon tout à fait rassurante, la repousse rapide de la forêt a permis de compenser les émissions des mois précédents.
De fortes précipitations
Comment expliquer que la nature ait pu reprendre si vite ses droits ? Dans leur article publié début septembre dans la revue « Remote Sensing of Environment », les scientifiques rappellent que les eucalyptus sont tout à fait adaptés aux incendies. De fait, certains peuvent faire des rejets à partir des racines mais ils relâchent leurs graines sous l’effet de la chaleur. Et les graines d’eucalyptus germent particulièrement bien sur des sols brûlés, couverts de cendres. Il faut ajouter à cela que l’année 2020 a connu un niveau de précipitations deux fois plus élevé qu’en 2019, ce qui a « pu favoriser une croissance forte et rapide de la forêt et d’autres composants de la végétation de sous-bois (herbe et arbustes) en mars-avril et août-décembre 2020, et conduire ainsi à une récupération complète des stocks de carbone perdus au début de 2021 ».
Si les eucalyptus ont bien repoussé, la catastrophe écologique a fauché aussi une bonne partie de la vie animale : plus de 3 milliards d’animaux ont été tués ou déplacés. En décembre 2020, un rapport du WWF chiffrait à plus de 60 000 le nombre de koalas tués ou blessés lors du passage des feux. Par ailleurs, comme le rapportait un article de la revue « GeoHealth » publié en octobre 2021, plus de 430 000 personnes ont été soumises à une pollution importante aux particules fines de moins de 2,5 μm (PM2,5) et certaines ont développé des problèmes de santé. Si la forêt semble se régénérer, il y a toutefois vraiment des raisons de craindre la multiplication de ces mégafeux.