HomeSciencesSciences. La forêt de...

Sciences. La forêt de Puéchabon à l’épreuve des sécheresses du futur

Parcourir la forêt de chênes verts située à quelques encâblures du village de Puéchabon, dans l’Hérault, c’est entrer dans une expérience scientifique à ciel ouvert. Ici, grâce à un dispositif de gouttières qui interceptent 30 % des précipitations, des chercheurs ont créé artificiellement une aridification du climat à laquelle devra faire face la forêt méditerranéenne avec le changement climatique. Comment réagira-t-elle à la sécheresse ?

Cette expérience d’exclusion de pluie qui se déroule depuis presque vingt ans est l’une des plus longues au monde. Aussi, elle apporte déjà quelques précieux éléments : dans les parcelles partiellement privées de pluie, les arbres ont moins de feuilles et produisent moins de fruits, ce qui interroge les écologues sur la capacité de régénération de la forêt du futur.

Le futur s’est dangereusement rapproché

En 2000, les prévisionnistes tablaient sur une réduction de 30 % des précipitations à la fin du siècle. En 2003 a commencé une expérience au long cours consistant à couvrir un tiers de la surface de trois parcelles de 100 m2 par des gouttières qui récupéraient l’eau de pluie, laquelle n’atteignait donc jamais le sol. L’objectif : simuler la sécheresse future.

sciences la foret de puechabon a lepreuve des secheresses du futur 62a3a0cfa29ce
Voir aussi :
En France, une grave sécheresse des sols amenée à se reproduire

Sauf que le futur s’est en fait dangereusement rapproché. « Au début de l’expérience, on imaginait simuler le climat de 2100. On se rend compte aujourd’hui qu’étant donné l’augmentation des températures ce sera le climat de 2035 », explique Jean-Marc Limousin, chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive du CNRS

Au fur et à mesure des travaux de prévision, il est devenu évident que le Bassin méditerranéen serait particulièrement impacté par le changement climatique. Les températures y augmentent et les précipitations y diminuent bien plus vite que la moyenne mondiale. « Cela n’a pas d’intérêt de se pencher sur les précipitations telles quelles : ce qui est important pour les arbres, c’est la vitesse à laquelle le réservoir dans le sol va s’évaporer. Et pour ça, c’est la température qui compte », poursuit-il.

Moins de transpiration et de photosynthèse

Avec son collègue Jean-Marc Ourcival, ils suivent certains arbres en particulier, marqués par des rubans colorés. Depuis un réseau de passerelles aériennes qui permet d’accéder à la cime des arbres, à environ 4 mètres du sol, ils comptent les feuilles et récoltent les fruits dans des filets. « La réaction principale des arbres à la sécheresse imposée est la réduction de 20 à 25 % du nombre de feuilles », constate Jean-Marc Limousin. « En 2003, on pensait que les feuilles allaient changer de forme et de taille, alors que c’est leur nombre qui est impacté par l’aridification », fait remarquer Jean-Marc Ourcival, qui voit là un bon exemple de l’importance de l’expérimentation.

sciences la foret de puechabon a lepreuve des secheresses du futur 62a3a0d0b150c
Voir aussi :
Santé. Les espaces verts, une protection contre les AVC

Réduire ce que les scientifiques appellent l’indice foliaire est une stratégie d’adaptation car, s’il y a moins de feuilles, il y a moins de perte d’eau par transpiration. « Mais cela veut dire aussi qu’il y a moins de photosynthèse : au bout de deux-trois ans, on a vu que les arbres s’acclimataient en devenant plus économes, plus lents », poursuit Jean-Marc Limousin. De fait, la photosynthèse, qui permet aux végétaux de fabriquer leur matière organique, est un ensemble de réactions biochimiques se déroulant dans les feuilles.

Que les parcelles soient privées d’eau ou non, les chercheurs se sont rendu compte qu’une sécheresse printanière avait un impact particulièrement négatif sur la croissance des chênes verts. En effet, c’est normalement durant cette saison, quand il fait assez chaud sans que le climat soit trop sec, que les arbres poussent. La croissance s’arrête en revanche l’été, quand les arbres ferment les stomates de leurs feuilles pour éviter la perte d’eau par la transpiration, ce qui empêche aussi la photosynthèse.

L’enjeu de la régénération

« La question qui se pose déjà aujourd’hui, c’est de savoir si les arbres vont s’arrêter de pousser en juin ou fin juillet… », indique Jean-Marc Limousin. Cela dit, pour l’instant, la privation d’eau n’empêche pas les arbres de pousser. Ils ont moins de feuilles, certes, mais ils croissent. « Si le bois ne pousse pas, il meurt. L’arbre n’a pas le choix, il est obligé de grandir chaque année. C’est donc la priorité absolue », détaille le chercheur.

Avec les insectes pollinisateurs attirés par la couleur, mais aussi l’odeur des roses, le phénomène de duplication, c’est-à-dire de multiplication du nombre de copies d’un même gène, s’est reproduit, assurant une production maximale de molécules odorantes. © Getty Images/iStockphoto
A découvrir :
Sciences. Comment un virus a donné son parfum à la rose

En revanche, le chercheur s’inquiète que les arbres des parcelles sèches produisent moins de fleurs et de fruits que les parcelles qui ne sont pas privées d’eau. 40 % de glands en moins : c’est loin d’être anecdotique. « C’est une information importante pour l’avenir de la forêt. Dans quelques années, avec l’aridification, pourra-t-elle se régénérer ? » interroge-t-il.

Une forêt domaniale transformée en laboratoire grandeur nature

La forêt domaniale de Puéchabon est étudiée depuis 1984 par des chercheurs du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier, rattaché au CNRS. « C’est une forêt qui n’est plus exploitée depuis quatre-vingts ans. Lorsque nous en avons fait un site expérimental, une problématique d’écologie pure s’est imposée. L’idée : observer ce que devient une forêt sans gestion, coupe ni intervention humaine », explique Jean-Marc Ourcival.

Puis, en 1998, quand la communauté scientifique a été convaincue de la réalité du changement climatique, se souvient le chercheur, l’Union européenne a lancé de grands projets de recherche. À Puéchabon, il s’est agi de savoir combien un écosystème laissé à sa libre évolution était capable de pomper de carbone.

Aussi des tours de flux que l’on entend siffler mesurent en permanence le carbone qui entre dans la forêt lors de la photosynthèse et celui qui sort lors de la respiration. Résultat : la forêt de Puéchabon fixe 2,5 tonnes de carbone par hectare et par an. Las, une sécheresse printanière, comme il s’en produit de plus en plus souvent, et ce bilan s’effondre à 1 tonne de carbone par hectare et par an.

- A word from our sponsors -

Most Popular

Les plus lus

La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique

La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) se positionne à...

2e Biennale internationale de la danse en Côte d’Ivoire : 8 soirées de représentations au menu

15 formations sont retenues pour la 2e Biennale internationale de...

Économie : La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique

Par pressecotedivoire- La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique.

Karaté et disciplines associées : La tête du président Fanny réclamée

Plusieurs clubs se sont retrouvés, le week-end dernier, dans un établissement scolaire, à la Riviera Bonoumin, pour dénoncer le bureau directeur de la Fédération ivoirienne de karaté do et disciplines associées (Fikda). Selon eux, ils veulent empêcher le président, Aboubacar Fanny, président sortant, de briguer un troisième mandat à la tête de leur fédération. Et

- A word from our sponsors -

les plus récents

La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique

La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) se positionne à la 5e place...

2e Biennale internationale de la danse en Côte d’Ivoire : 8 soirées de représentations au menu

15 formations sont retenues pour la 2e Biennale internationale de la danse en...

Économie : La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique

Par pressecotedivoire- La BRVM se positionne à la 5e place des bourses en Afrique.

Karaté et disciplines associées : La tête du président Fanny réclamée

Plusieurs clubs se sont retrouvés, le week-end dernier, dans un établissement scolaire, à la Riviera Bonoumin, pour dénoncer le bureau directeur de la Fédération ivoirienne de karaté do et disciplines associées (Fikda). Selon eux, ils veulent empêcher le président, Aboubacar Fanny, président sortant, de briguer un troisième mandat à la tête de leur fédération. Et

Générations et Peuples Solidaires en deuil : Siaka Coulibaly est décédé à l’âge de 50 ans

Générations et Peuples Solidaires (GPS) a annoncé ce vendredi 22 septembre 2023, sur...

Sénatoriales 2023 : les résultats provisoires proclamés par la CEI sont devenus « définitifs »

Les résultats provisoires proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) à l’issue de...

Générations et Peuples Solidaires en deuil : Siaka Coulibaly, est décédé à l’âge de 50 ans

Générations et Peuples Solidaires (GPS) a annoncé ce vendredi 22 septembre 2023, sur...

Prince Jackson révèle que son père Michael Jackson était “très complexé” par son problème de peau

Prince Jackson a révélé que son père Michael Jackson "était très complexé" par son problème de peau. L'aîné du défunt roi de la pop, âgé de 26 ans, s'est ouvert sur l'expérience de son père avec le vitiligo - une maladie chronique qui entraîne la perte de pigmentation de certaines parties de la peau -

78e Assemblée générale de l’ONU : le Vice-président expose la vision de la Côte d’Ivoire

Représentant le président de la République, Alassane Ouattara, à la 78e Session ordinaire...

Taekwondo : les grandes ambitions de Jean Marc Yacé et de la fédération en faveur des athlètes de para-taekwondo

Placer deux de ses athlètes para taekwondo aux Jeux olympiques de Paris en...

Le pape François est arrivé à Marseille pour défendre les migrants

Le souverain pontife de 86 ans est arrivé, vendredi, à Marseille pour une...